-Lettre du 12 janvier 1603 (de Leiden) : « Monsieur, Vous m’avez tant chargé d’obligation pour une fois, que je n’ai moyen de vous remercier, ni comme je le désire, ni comme vous le méritez premièrement pour m’avoir estimé digne de votre amitié, & puis pour le beau présent qu’il vous a plu me faire des empreintes des exquises médailles que vous m’avez envoyées, que je tiens très chères pour leur beauté, rareté, et bonté, mais plus pour le lieu dont elles viennent. Si je me trouve donc empêché à vous remercier, je ne le suis pas moins à vous réciter le contentement que j’ai reçu à les visiter, & principalement à vous répondre sur tous les points & propostions, déduites en votre inventaire. Il est impossible non pas à moi, mais à un plus exercé en ces recherches de rendre raison de tout, d’autant que les dessins de telles devises tendent à divers buts ; les unes sont emblématiques, comme l’ancre avec le dauphin d’Auguste, les autres historiques, comme le capricorne du même prince. Les autres magiques, comme nous en voyons plusieurs en pierres, comme sont la plupart des chimères, & entre autres celle qui a la tête d’un coq, le corselet d’un soldat romain, au lieu des jambes, deux serpents, un fouet à la main , avec lettres grecques. Telles ont été faites par les Diaboliques hérétiques Valentiniens, & la chimère & bizarrerie de leur devise, depend de leurs ridicules positions, desquelles Saint Irénée fait mention, & après lui Tertullien & Epiphanius. À celle-là sont semblables quelques autres que nous avons vu entaillées en émeraudes assez grandes ; & tous les douze signes du zodiaque avec quelque petit serpent, ou autres animaux. Telles devises font vraiment magiques, … » ; « nous avons fait un fort long discours de ceci & autres dépendances au Seigneur Marquardus Freher, Conseiller de l’Electeur Palatin, touchant son grand numisme qu’il avait interprété autrement que nous, apres avoir vu son exposition. Pour votre contentement & éclaircissement de cette xxvii. médaille, je voudrais que vous eussiez mon discours, mais je ne l’ai point gardé non plus que toute autre chose venant de moi, si mérite-t-il d’être vu des amateurs de l’Antiquité non seulement païenne, mais ecclésiastique. La XXXIIII, sans doute est de la ville ancienne de Chios. En la médaille d’Homère, la Sphinx tient un autre vase, ou, plutôt une pyxis d’une autre façon avec les lettres XIΩN. en une autre médaille la Sphinx porte un raisin, & en l’autre côté de la médaille est ΛAMΠΡΟΣ XIOC, & au milieu de ces deux mots un Ligo, ou houe à bécher la terre que les Grecs appellent amè skapanè, par laquelle il est signifié que cestui Lampros était athlète. … » ; « Pour la XXXVI. Nous avons parlé de ces Chimères ci-dessus, & avons dit que la plupart d’icelles sont talisman c’est à dire faites par ‘observation de magie, ou de l’horoscope ascendant: nous en avons une des sols Valentiniens avec les lettres grecques, comprenant certains mots par eux inventés, ou tirez violentement de l’Hébraisme. Quand à la petite médaille d’argent de Saturne, si jamais il y eût talisman, celui-là en est un, voire des plus remarquables, la devise a été cognée en jour de Saturne, en conjonction de la lune & du soleil, horoscopante Hydra, &c. Vous auriez plus grand contentement, si vous lisiez ce que j’en ai lu es livres de Arabes, qui ont pris ces fantasticqueries des anciens Genethliaques Grecs. Touchant l’autre, v I. Consulatu suo Angustus Aegypto potitus est, Antonio et Cleopatra interfectis, ledit Auguste le nomme Julius Caesar par adoption de cingulo & Labieno, Silius lib 10 celsis Labienum Cingula saxa miserus muris. Mais que fais-je, Monsieur, qui sur le champ sans avoir autrement regard aux livres, pense expliquer tout ce que vous me proposez ? Cela mérite bien plus curieuse recherche : ce que j’en ai fait, ça été que trouvant la commodité de vous écrire, j’ai mieux aimé dire quelque chose, à la volée, qu’en différant vous mettre en peine de ma réponse. Au reste il y a en ce pays le sieur Abraham Gorlay qui a un grand trésor de telles pièces, il a bien plus de quatre mille médailles d’or exquises, plus de dix mille d’argent, & plus de quinze mille de cuivre, le tout d’élite. Il a fait imprimer chez lui a ses dépens un gentil livret des anneaux des anciens, en nombre de deux cent soixante ou environ, lesquels j’ai manié moi-même, ce livre ne sera exposé en vente & n’a été imprimé que pour en distribuer aux amis, &c. Il ne me reste plus rien, Monsieur, sinon de prier Dieu qu’il vous tienne en sa garde. De Leyden en Holland. C ex 11 janvier ciɔ.iɔ.ciii. » (Scaliger 1612, p. 492-501 ; Botley - Van Miert 2012, Vol. IV, p. 542, at 555; Burnett 2020b, p. 1411).